La Wii : règlement de comptes

La Wii est un véritable ascenseur émotionnel, tantôt révolution du jeu vidéo, tantôt vaste fumisterie. La plus belle frustration de ces dernières années en somme une fois la brise fraîche des premiers mois de jeu intense envolée. Véritable saigneur enjoué du tennis et du bowling virtuel, doctorat de manieur de Wiimote, je ne peux m'empêcher de rire doucement en la rebranchant après plus de six mois d'abstinence naturelle. Une panne inopinée de ma free-sextoy en est la charmante cause, me replongeant dans de douces rêveries de chamboulement vidéoludique d'antan. Difficile de croire qu'il s'agit du même mec qui se battait pour jouer à la Wii avant tout le monde au Micromania Game Show, trois mois avant la sortie de la bête. Alors certes, la reconnaissance de mouvement n'est pas le pain béni que l'on imaginait tous, mais les sensations sont là. Il suffit juste de se donner la peine de prendre du recul et avoir un peu d'imagination.

Faisons un topo rapide. Depuis sa sortie fin 2006, la Wii a fait beaucoup parler d'elle et a contribué à démocratiser le jeu vidéo auprès de nombreuses personnes qui jusque-là n'avait jamais pris une manette en main. Une tendance déjà amorcée avec la Nintendo DS en faisant la joie des mamies du monde entier, Line Renaud en tête. Mais pour beaucoup de "vrais" joueurs, Nintendo a trahi son public en cédant aux chants de sirène du "casual gaming". Vous savez, ce genre de jeux infâme qui nous demandent de réfléchir, de maigrir ou d'élever des chiens, des chats, des dauphins ou des nourrissons. Impossible de les louper, ils pullulent les rayons de nos dealers de drogue numérique. Le coup de grâce vient des accessoires.
Il arrive un moment dans la vie d'un homme où les mots ne suffisent plus :



Les chiffres sont là. Avec près de 67,5 millions de consoles écoulées à travers le monde, la Wii est la console de salon la plus vendue de sa génération. L'année dernière on apprenait que Wii Sports était le jeu le plus vendu de l'histoire du jeu vidéo avec environ 45 millions d'unités vendus. Forcément si le jeu est vendu avec la console me direz-vous (sauf au Japon), mais il en était de même pour le précédent record, Super Mario Bros, vendu avec la Nes.
Mais là où le paradoxe est formidouble, c'est que la Wii est l'un des consoles les moins joués en privé. Hormis le Wii Sports entre potes que tout ceux qui sont en train de lire ce pavé ont déjà expérimenté, les gens ne jouent pas à la console de Nintendo une fois l'effet de surprise dissipé. Mis à part les cartons Mario Kart et Wii Fit, le reste de la ludothèque fait peine à voir au niveau du ratio console vendu/jeux vendus. Récemment seuls New Super Mario Bros et Wii Sports Resort empruntent le même chemin quelques mois après leur lancement.
L'effet Wii est encore plus pervers. Plus un jeu est bon et original, moins il se vend. Madworld (mon jeu préféré 2009, non le top n'est pas mort, laisse moi tranquille) est l'exemple parfait. Graphismes jamais vus, jouissif, marrant, défoulant, addictif, le développeur Platinium Games n'a vendu que 4.600 unités de son jeu la première semaine de commercialisation au Japon. Le même pays qui totalise plus de 10 millions de consoles vendus sur le territoire. Une situation que ce dessin résume à merveille :

- Putain pourquoi ce jeu ne sort pas sur PS3 ou 360 au lieu de cette merde de Wii ? (répété dix fois avec un jeu différent)
- Hey mec, pourquoi tu ne chopes pas une putain de Wii ?
- Ca va pas non ? La Wii n'a pas de jeux !

Des jeux purement gamer, bien sûr il en manque. De tête je dirai Dead Space Extraction, House of the Dead Overkill, The Conduit, Another Code R, Okami, Resident Evil 4, le tout déjà disponible depuis belle lurette. Des jeux intéressants qui ont connu des scores désastreux parce que "la Wii elle pue, elle a pas de jeu". Et les premiers à le clamer sont ces fameux joueurs qui ont tout vu, tout lu, tout fini. Les mêmes qui se plaignent de voir leur console moisir au fond du meuble TV sans jamais donner sa chance à des bons jeux, sous prétexte qu'ils sont trop rares. Vous connaissez l'histoire du serpent qui se mange la queue ? On est en plein dedans, il se bouffe la nuque tellement les arguments ne tiennent pas la route. On est plus à une ironie près, aucun des jeux cités ci-dessus n'est développé par Nintendo (même Metroid M, développé par la Team Ninja à l'origine de Ninja Gaiden et Dead or Alive). Le vrai problème semble donc le manque d'implication "gamer" de la part de Nintendo, même si les éditeurs tiers sont bien présents. Il y a dix ans la situation était inverse durant l'ère Nintendo 64 et les arguments identiques. Fascinant.

Que faire aujourd'hui ? Soutenir la Wii lorsque des jeux originaux sortent. Cela peut paraitre logique, pourtant le lynchage de la politique de Nintendo semble passer avant un vrai soutien du potentiel créatif de certains éditeurs. Il n'est pas encore trop tard puisque dans les mois qui suivent l'occasion se présentera à nouveau avec la suite de No More Heroes. A voir s'il fera le même four que le premier. Ce dernier sera d'ailleurs prochainement adapté sur Xbox 360 et Playstation 3...victoire ! Les détracteurs de la Wii ont gagné le droit de le payer 20 euros plus cher qu'à sa première sortie, les joies de secouer sa Wiimote comme un taré en moins, les graphismes trop beaux HD en plus. De son côté Red Steel 2 devrait à peine mieux s'en sortir dans quelques semaines, la crise morale ayant causé de sévères dégâts à l'image funky de la jouabilité Wiimote.

L'illusion est rompu, les joueurs blasés et toujours plus exigeants, la fin d'une époque naïve. Le véritable intérêt en somme : rentabiliser un écran HD coûteux avec une technique toujours plus poussée, au détriment d'une console de jeux, certes non HD, mais loin d'être dénué d'idées intéressantes (notamment le WiiWare, service de téléchargement de jeux développé pour la Wiimote) et de jeux marquants. Ce qui semble finalement le plus honnête pour une console de jeux vidéo.